L’accord de gouvernement fédéral a été présenté en grande pompe au début de l’année par la coalition Arizona (N-VA, MR, Les Engagés, CD&V, Vooruit). Qu’en attendre en termes d’égalité entre les femmes et les hommes ? Nous avons posé la question à Élodie Blogie, conseillère politique à Vie Féminine, et Soizic Dubot, coordinatrice socio-économique au sein de l’association.
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Soizic Dubot : « Sous les précédentes législatures, des avancées ont eu lieu (par exemple en matière de reconnaissance de la féminisation de la langue française), on était au début du chemin vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Subir un tel backlash, un tel retour en arrière en matière de droits humains va être difficile. »
Le volet socio-économique fait beaucoup parler de lui. En quoi menace-t-il les femmes en particulier ?
S.D. : « L’accord fait preuve d’un ultralibéralisme décomplexé qui s’en prend aux personnes les plus faibles de notre société. Si on se penche sur les pensions, les changements dans les périodes assimilées (pendant lesquelles on n’a pas pu exercer du travail effectif parce qu’on était malade ou qu’on prenait soin d’autres personnes) vont impacter les femmes en premier lieu. Au niveau de la flexibilité accrue de l’emploi qui est annoncée, on parle de normaliser le travail le dimanche et de faciliter le travail de nuit. Ces réformes vont complexifier la conciliation entre la vie privée et professionnelle, ce qui n’est pas bon pour les femmes qui sont encore majoritairement en charge du foyer et des enfants. Dans ce contexte, l’annonce de rassembler tous les congés parentaux dans un sac à dos à se partager, pour chaque enfant, appelle à la vigilance. Comment faire quand on ne s’entend pas avec le père des enfants ? »
É.B. : « De nombreuses mesures vont également toucher les malades longue durée, alors que les femmes sont surreprésentées dans ce groupe parce que la pénibilité des emplois féminins n’est pas reconnue. Cela signifie qu’on met en place des restrictions et de l’exclusion sans s’attaquer aux causes des maladies longue durée. »
Le texte s’attaque à l’indépendance économique des femmes
S.D. : « Au contraire, la situation risque d’empirer puisque le chômage sera limité à deux ans, ce qui incitera probablement les femmes à accepter des emplois qui n’ont pas des conditions de travail convenables, qui les rendent malades. Le texte s’attaque à l’indépendance économique des femmes, ce qui augmentera leur dépendance, par exemple à un compagnon. Cela va les faire basculer dans la pauvreté. »
É.B. : « Face à ces dangers, on n’a pu identifier que quelques mesures positives, notamment le renforcement du Service des créances alimentaires (SECAL), qui avance les pensions alimentaires impayées. Ce sont surtout les mamans qui se trouvent dans cette situation. Les violences économiques sont donc un peu prises en compte dans cet accord. Plusieurs mesures sont annoncées, comme le prélèvement automatique à la source des revenus, l’augmentation des montants maximum des avances, et l’utilisation obligatoire du SECAL dans les cas de violences intrafamiliales pour limiter les contacts avec l’ex-conjoint violent. »
Comment allez-vous vous mobiliser ?
É.B. : « Décrypter l’accord et le rendre accessible, c’est très important, il faut que les médias laissent de la place pour le contre-discours. Un grand nombre de femmes n’ont pas encore conscience de l’ampleur des attaques menées sur leurs droits, nous sommes toutes concernées. En tant qu’association, nous allons continuer à investir les lieux où nous pouvons créer de la solidarité, nous rencontrer. C’est notre manière de résister. »
S.D. : « Quel type de société est valorisé par cet accord ? Vous allez vous rendre malade au travail, mais vous serez satisfait·e parce qu’il y aura des personnes plus pauvres que vous qui n’auront pas droit à du soutien ? Contre cette vision qui oppose les gens, nous souhaitons défendre une société du soin. »
Camille Wernaers,
30 mars 2025.
Source
Publication intégrale avec l’aimable autorisation d’Axelle Mag.